Motion concernant le projet de Partenariat transatlantique sur le Commerce et l’Investissement entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique (TTIP) et ses conséquences sur les entités locales

Le 14 juin 2013, les 27 gouvernements de l’Union européenne, dont la Belgique, ont entériné le mandat donné à la Commission européenne pour négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis. Selon la Commission européenne, le TTIP est conçu pour stimuler la croissance et créer des emplois.

Ce mandat, négocié dans le plus grand secret, vise à créer un vaste marché transatlantique libéralisé en supprimant un maximum d’obstacles au commerce et en « harmonisant » les législations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique, et ce pour faciliter l’achat et la vente de biens et de services entre l’Union Européenne et les Etats-Unis.

A ce jour, plusieurs cycles de négociations se sont déjà tenus ; l’objectif affiché de la Commission européenne étant de conclure au cours de l’année 2015.

Avec cet accord notamment via l’objectif poursuivi consistant à l’élimination des barrières non-tarifaires, les normes sociales, sanitaires et environnementales, culturelles, de service public, de protection des consommateurs et des entreprises, propres à l’Europe, à un Etat, une Région ou à une Commune, seraient interdites si elles sont jugées « déraisonnables, arbitraires ou discriminatoires ». Nos acquis communautaires, nationaux, régionaux ou communaux risquent de voler en éclat : par exemple l’interdiction des cultures OGM en plein air, pourrait être remise en question, les investissements en faveur d’une transition vers les énergies renouvelables deviendraient illégaux, les services publics seraient ouverts à la concurrence américaine (écoles, logement sociaux, hôpitaux, traitement de déchets …).

Si un tel accord était signé, les multinationales auraient la possibilité d’attaquer les États auprès d’un Tribunal arbitral – composé de juristes non élus – lorsqu’elles considèrent que leurs profits sont menacés ou revus à la baisse. Cela se traduirait par des sanctions commerciales pour le pays contrevenant, ou par une réparation pouvant représenter plusieurs millions d’euros. En réalité, cet accord serait un moyen pour les multinationales d’éliminer toute décision publique qu’elles considèreraient comme entraves à l’expansion de leurs parts de marché.

L’Article 27 du projet de Traité Transatlantique prévoit que « l’Accord sera obligatoire pour toutes les institutions ayant un pouvoir de régulation et les autres autorités compétentes des deux parties ».

Ceci implique que les Communes seront concernées et directement impactées. Si ce Traité était signé, la Ville de Wavre pourrait devoir renoncer à : soutenir la création de places d’accueil pour les enfants, sa décision d’abandonner les pesticides dans l’entretien des espaces verts, à subsidier l’enseignement communal ou des évènements culturels locaux … Ces biens et services seraient en effet privatisables et toute norme publique locale à leur propos serait considérée comme « obstacle non tarifaire » à la concurrence, soumis à sanction. Toute politique communale pourrait être accusée d’entrave à la liberté de commerce.

La motion :

Vu le mandat relatif à la conclusion avec les États-Unis d’un accord appelé «Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement», donné par les ministres européens des affaires étrangères et du commerce dans le Conseil affaires générales du 14 juin 2013;

Constatant le manque de transparence quant à ce mandat et considérant les possibles conséquences inquiétantes – notamment en termes de concurrence, de normes sociales, environnementales, économiques, sanitaires, agricoles, de propriété intellectuelle, d’exception culturelle ;

Considérant l’importance de préserver le niveau de protection des normes sociales, sanitaires et environnementale en vigueur au sein de l’UE et d’assurer leur respect par les entreprises européennes et étrangères opérant sur le marché unique européen ;

Considérant que les accords de libre-échange ne doivent pas se révéler comme des outils utilisés par certains pour assouplir, voire abroger, les législations européennes, nationales, régionales ou communales ;

Considérant que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats actuellement défendu par les négociateurs de l’accord, créerait une cour arbitrale composée d’experts non élus, devant laquelle les Communes, livrées aux avocats d’affaires, pourraient être directement attaquées par une firme privée. Ce qui signifie que toute espèce de norme – sociale, sanitaire, alimentaire, environnementale ou technique adoptée par un Etat, une Région, une commune, dès lors qu’elle contrarie une firme privée, pourrait être attaquée devant un mécanisme d’arbitrage privé ;

Considérant qu’un tel montage juridique limiterait la capacité des autorités publiques de maintenir des services publics (éducation, santé…), de protéger les droits sociaux, de garantir la protection sociale, de maintenir des activités associatives, sociales, culturelles préservées du marché (menaçant par-là la diversité culturelle et linguistique) ;

Le Conseil Communal,

Affirme ses craintes que le projet de Traité de Partenariat Transatlantique constitue une menace grave pour nos démocraties communales, notamment en matière économique, sociale, sanitaire, environnementale, culturelle ;

Refuse toute tentative de dérégulation de nos normes et toute tentative d’affaiblir le cadre communal, régional, national ou européen notamment en matière sociale, de santé, d’environnement, de protection des travailleurs, des consommateurs et des entreprises ;

Demande aux autorités belges compétentes et concernées d’exiger que les négociations concernant le projet de Partenariat transatlantique sur le Commerce et l’Investissement entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique visent absolument une harmonisation vers le haut, c’est à dire, intégrant les normes les plus élevées, que cela concerne les droits sociaux et à la santé, les droits humains, les dispositifs de protection de l’environnement ou encore la protection des travailleurs et des consommateurs ;

Demande aux autorités belges compétentes que les services publics et d’intérêt général soient absolument préservés du projet de traité ;

Marque sa ferme opposition à toute clause de règlement des différends entre les investisseurs et les autorités publiques ;

Demande aux autorités belges compétentes qu’un large débat sur l’ensemble des accords de libre-échange impliquant la participation de tous les niveaux de pouvoir mais aussi les organisations syndicales et associatives, les organisations socio-professionnelles et les citoyens soit organisé ;

Demande aux autorités belges compétentes de faire pression au niveau européen afin que les négociations sur ce projet de partenariat se fassent dans la plus grande transparence à l’égard des consommateurs et des citoyens.